Par Charles Mapinduzi
Dans l’opinion congolaise, un certain nombre de compatriotes est d’avis que parler négociations au sujet de la guerre contre le M23 est une position anti-patriotique. Mais, on pourrait penser que la plupart sont à des milliers des kilomètres de la zone en conflit ou qu’ils sont dans des conforts loin des tirs des mortiers et des kalachnikovs. Cependant, le contexte dans lequel la guerre a plongé le Nord-Kivu, en plus de la progression de l’ennemi sur le terrain ne semble pas laisser le choix au gouvernement congolais. Il s’agit bien des évidences dont on ne peut douter : les autorités congolaises doivent négocier. Pour l’instant, il s’agit de la seule solution plausible pour renverser la tendance.
Car, en effet, depuis la prise de Bunagana en juin 2022, l’armée congolaise n’a jusqu’ici imposer aucune victoire notable. Elle a beau résister mais les rebelles entièrement soutenus par le Rwanda sur le plan logistique, financier et humain ont gagné à chaque fois. Aujourd’hui, le M23 contrôle maintenant 3 territoires (Rutshuru, Nyirangongo et Masisi).
Pire, le groupe armé pro-rwandais s’est emparé de la très stratégique cité minière de Rubaya. Celle-ci est réputée être la capitale mondiale du coltan. Elle fournit également 80% de l’étain tungstène et tantale sur le marché mondial. Donc, pour la rébellion, il y a maintenant de quoi financer la guerre, de quoi faire du Rwanda le premier producteur de toutes ces matières premières enfouies dans le sous-sol congolais.
Pendant ce temps, le M23 développe de plus en plus des idées d’étendre ses objectifs au regard de la partie du territoire national déjà sous son contrôle. Du côté de Kibumba, sur la route Rutshuru, il est à quelques kilomètres seulement de la ville de Goma. Du côté du territoire de Masisi, il ne lui reste qu’un seul verrou important, la cité de Saké qu’il envie de prendre. Ceci lui permettrait de s’emparer du chef-lieu du Nord-Kivu sans aucun moindre effort. Au même moment, c’est la ville de Goma qui s’isole et d’asphyxie totalement. Pas seulement, mais aussi toutes les autres entités qui dépendent directement d’elle qui sombre dans une crise économique difficile à décrire.
Il y de l’autre côté, des intentions manifestes du groupe armé de se diriger vers le Sud-Kivu où des combattants Banyamulenge et ceux du déserteur FARDC Makanika auraient déjà fait allégeance et n’attendent que l’arrivée de la guerre pour s’allier. On réalise ainsi donc qu’au fur et en mesure que la guerre prend son temps, la RDC perd davantage alors que le M23 s’arme, renforce ses effectifs et accède à des moyens financiers conséquents.
Malheureusement, des vidéos en provenance de la ligne de front font honte à la République. L’armée congolaise semble abandonnée à son sort alors que des millions de dollars américains sont détournés par des dignitaires du régime et ceux des FARDC. La semaine qui s’est achevée, des images des soldats congolais sont devenues virales sur les réseaux sociaux. Ici, des militaires se plaignent des conditions qui les gèrent en dépit d’impressionnants sacrifices qu’ils consentent sur le terrain. Les mêmes vidéos présentent des blessés FARDC en train d’être évacués au dos, faute d’ambulances.
Sans se cacher, des militaires expriment leur découragement à continuer à se battre. D’ailleurs, de nombreux témoins ont affirmé que plusieurs localités sont tombées entre les mains ennemies sans combats, les FARDC s’y étant retirées avant.
Au regard de ce tableau, Kinshasa est contraint de négocier. D’une part, ceci éviterait aux rebelles de poursuivre leur action et prendre de nouvelles localités. D’autre part, cela permettrait aux autorités congolaises d’organiser une riposte de taille. Joseph Kabila l’avait fait en 2012 et 2013. Tout en étant à la table des négociations, l’ancien président préparait une contre-attaque surprise qui avait d’ailleurs mis fin au mouvement M23. Kinshasa devrait donc muser sur cet aspect, plutôt que de refuser de voir les évidences en s’entêtant de ne pas négocier avec des terroristes soient-ils alors que ces derniers n’arrêtent de gagner du terrain.
Il n’est pas pour autant faux que le M23 continuera de monter les enchères au fur et en mesure qu’il s’emparera d’autres entités. Par exemple, si la RDC avait négocié quand la rébellion était encore à Bunagana, le cahier des charges aurait été acceptable. Dès lors que le M23 a agenouillé le Congo, il pourrait exiger tout ce qui l’enchante. Le laisser continuer sans entamer les négociations serait par ailleurs suicidaire.