La République Démocratique du Congo semble glisser inéluctablement vers une normalisation du non-respect des délais constitutionnels relatifs à la tenue des élections présidentielles et législatives.
Si pour les élections locales , une omerta est décrétée par l’ensemble de la classe politique congolaise en violation de la constitution, les évènements successifs laissent croire que depuis 2006, l’idée non exprimée publiquement, d’un allongement du mandat présidentiel à 7 ans semble séduire les dirigeants politiques qui, dans l’organisation du processus électoral n’impulse aucune rigueur en ce qui concerne le respect des délais.
Au demeurant, le timing généralement choisi pour annoncer que les délais ne seront pas respectés succèdent à une série d’intrigues et de querelles savamment planifiées pour retarder l’installation du nouveau bureau de la CENI lequel, portant la mission d’endosser les impossibilités budgétaires et organisationnelles à respecter les délais constitutionnels.
La Planification électorale
Notre rédaction a pu consulter la dernière planification électorale pour le cycle 2018-2023, dans l’hypothèse où le bureau de la CENI était installé depuis le 13 Juin 2021 , voici le sommaire des étapes majeures jusqu’aux élections :
Période/date | Nbre de jrs | Activités | Observation |
15/03/2021 au 13/06/2021 | 90 jours | Installation du bureau de la CENI | Retard 67 jrs en progression |
02/10/2022 au 31/12/2022 | 90 jours | Enrôlement des électeurs | À extraire du recensement |
17/08/2023 | 1 jour | Statistiques des électeurs par entités | |
23/10/2023 | 1 jour | Promulgation loi répartition des sièges | Article 40 constitution |
26/10/2023 | 1 jour | Convocation de l’électorat | Article 11 loi électorale |
22/12/2023 | 1 jour | Liste définitive des candidats | |
05/05/2024 | 1 jour | Élections présidentielles / législatives | |
Ce tableau synoptique indique que si le bureau de la CENI était installé au plus tard le 13 juin 2021, la République Démocratique du Congo serait en mesure d’organiser les scrutins présidentiel à la date prévisionnelle du 05 mai 2024 . En intégrant les retards constatés en progression à la date de ce jour, une adaptation de ce calendrier pousserait cette date au 12 juillet 2024 en sachant que chaque jour qui passe continuera à avancer la date du scrutin .
Les contraintes budgétaires et logistiques
Les prévisions susmentionnées sont basées sur l’hypothèse que les budgets nécessaires à l’organisation des scrutins seront disponibles suivant un plan de décaissement en phase avec les différentes étapes du processus, ce qui n’est généralement pas le cas .
Il faut noter par ailleurs que les budgets 2019, 2020 et 2021 n’ont pas pris en compte une ligne budgétaire spéciale prévisionnelle pour la préparation des élections comme le proposait la société civile et le G13 à l’époque .
Selon que le fichier électoral serait extrait du fichier de recensement consolidé ou selon qu’une révision du fichier électoral sera programmée , le budget peut aller du simple au double et la faiblesse des recettes de la République Démocratique du Congo ne saurait permettre de supporter le coût des élections sur un seul exercice budgétaire.
En ce qui concerne les contraintes logistiques , il faudra prévoir des délais plus élastiques en raison des restrictions imposées par la COVID, le trafic mondial s’est vu ralentir , le volume des échanges commerciaux internationaux a fortement diminué et les délais pour réaliser ces échanges se sont vus allongés, la tendance peut perdurer au-delà de 2025.
Et la politique s’y mêlera…
Comme à l’accoutumée, la violation « accidentelle » des délais constitutionnels pour l’organisation des scrutins en République Démocratique du Congo ressemble à un bal des chauves. Une opportunité où le scénario reste identique : Toute l’opposition à l’unisson va crier à tue-voix « respect de la constitution » et le pouvoir répondra « mettons-nous autour d’une table ce n’est pas fait exprès » Cette démarche récurrente et dite « inclusive » permet au pouvoir d’obtenir un quitus consensuel sur la prolongation du mandat et à l’opposition d’accéder aux affaires pour mieux préparer le scrutin ainsi retardé et cautionné désormais par les anciens défenseurs de la constitution intégrés dans les institutions.
Il est donc probable qu’en 2023 surgisse un gouvernement issu d’un dialogue autour duquel les politiques vont s’excuser de ne pas pouvoir respecter les délais en s’exhortant de s’impliquer pour que les nouvelles dates soient finalement respectées .
Triste scénario pour un pays qui dans sa rhétorique affiche de grandes ambitions…..