Par Charles Mapinduzi
Le Pape est en République démocratique du Congo. Il a fallu 37 ans pour que Kinshasa revive de nouveau une ambiance hors norme du genre après celle de 1985 lors du passage de Jean-Paul 2. La présence au pays du chef de l’Eglise catholique près de 4 décennies après est donc un évènement grandeur nature.
De nombreux acteurs, catholiques ou parfois pas, ont accouru pour voir et écouter le souverain pontife qui visite pour la Première le Congo depuis qu’il a succédé à Benoît XVI d’heureuse mémoire.
La présence marquée à la cérémonie de ce mercredi 1 février 2023 est celle des responsables politiques qui ont fait le déplacement du stade de Ndolo où se tient la messe papale. Ici, de grandes figures ont répondu présent : Martin Fayulu, Moïse Katumbi, Vital Kamerhe, Salomon Idi Kalonda, Augustin Kabuya, Joseph Olengankoy, et beaucoup d’autres encore qui ont rehaussé de leur présence.
Sur le plan politique, on n’ignore pas l’adversité qui a souvent séparé ces acteurs dont certains refusent même de croiser d’autres sur leur chemin. Martin Fayulu qui revendique toujours la victoire à la présidentielle de 2018 n’est jamais parvenu à pardonner à son frère, Félix Tshisekedi, avec qui il priait à l’Eglise Philadelphie mais qu’il accuse d’avoir volé son pouvoir. Depuis, les 2 hommes n’ont osé se parler ni se rencontrer autour d’un sujet d’intérêt national.
Il y a d’un autre côté Moïse Katumbi et Martin Fayulu qui n’émettent plus sur une même longueur d’ondes depuis que les 2 leaders se sont entre-accusés autour de la gestion de l’opposition constellée au sein de la coalition Lamuka. Fayulu a accusé Katumbi d’avoir rejoint le pouvoir au détriment du combat commun qui devrait être mené dans l’opposition pour le rétablissement de la vérité des urnes.
Par ailleurs, depuis son départ de l’Union sacrée et ses intentions de se représenter contre Tshisekedi, le régime ne voit plus d’un bon oeil l’ancien gouverneur du Katanga qu’il considère désormais comme un homme à abattre.
Vital Kamerhe, par ailleurs, ne se fera jamais pardonner par Martin Fayulu pour avoir trahi la coalition Lamuka à Genève. Peut-être que Katumbi ne lui pardonnera pas non plus pour les mêmes raisons. De son côté, le président de l’UNC n’a pas oublié l’humiliation que le régime en place lui a fait subir lors du très médiatisé procès des 100 jours, etc.
Cependant, en dépit de cette diversité qui se lit comme de l’inimitié dans certains cas, autour du Pape, et à côté de Félix Tshisekedi, ces politiciens sont rassemblés au stade de Ndolo, en ne tenant compte ni de leur positionnement politique, ni de leur confession religieuse. La présence du dirigeant de l’Eglise catholique a donc permis aux adversaires les plus farouches de se retrouver autour d’un idéal, plus de 4 ans après : écouter le message du Pape.
Mais, une absence est restée remarquée, même si cela ne sort pas de l’ordinaire : Joseph Kabila. L’ancien président congolais est le plus grand absent. Alors que le gouvernement a affirmé lui avoir envoyé une invitation, le Raïs refuse d’émettre sur la même longueur d’ondes que ses collègues politiciens. Comme dans ses habitudes, Kabila est toujours absent là où on l’attend mais présent où on l’attend le moins. Même pour un évènement aussi historique, l’ancien dirigeant donne toujours sa langue au chat. Ses dernières apparitions dans ce genre de situations remonte d’abord aux obsèques de l’ancien l’archevêque de Lubumbashi puis lors de la récente réconciliation entre Katangais. Puis, rien.
Jusqu’à ces jours, des Congolais qui reconnaissent en Kabila un silence légendaire se demandent toujours ce qui traverse sa tête et l’événement qui pourrait finalement le pousser à changer d’approches.