Par Charles Mapinduzi
L’arrivée au pouvoir du président Tshisekedi était celle de toutes les attentes. Sorti d’une opposition radicale contre les régimes Mobutu, Laurent Désiré et Joseph Kabila, fils d’un leader maximo de la lutte pro-démocratie, aux yeux de la plupart, le dirigeant congolais incarnait ce personnage dont le pays rêvait depuis des lustres. Peut-être est-ce même pour cela qu’en dépit d’une élection présidentielle critiquée en 2018, des Congolais ne sont pas allés jusqu’à manifester leur désaccord dans les rues de la capitale souvent surchauffées au lendemain des scrutins.
Mais, le grand défi qui attendait le nouveau chef était celui de l’insécurité dans l’est du pays, cette rude bataille suite à laquelle le bilan de son prédécesseur a été terni. Fatshi, comme désirent intimement l’appeler ses proches, le savait parfaitement. D’ailleurs, c’est sur fond de marchandage de cette situation que l’opposant a fondé sa campagne électorale qui l’a propulsé au Palais de la nation le 24 janvier 2019. Pour juguler l’épineuse question, le candidat président promettait de déplacer le camp militaire de Nkokolo dans les régions instables de l’est. Mais depuis, rien.
Après une opération dite de grande envergure lancée contre les milices en 2019, le chef de l’État congolais a décidé, en mai 2021, d’instaurer une mesure exceptionnelle, l’état de siège, dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri considérées parmi les plus instables du pays. Puis, Félix Tshisekedi a accepté une collaboration avec l’armée ougandaise pour participer à la traque des rebellions et des groupes armés. Plus de 6 mois après, celle-ci n’a pas fait grand chose pour imposer l’autorité de l’Etat dans la contrée : des civils continuent d’être sciemment massacrés, des pillages des biens et des enlèvements des populations y demeurent toujours une monnaie courante.
Après avoir adhéré la République démocratique du Congo à la Communauté d’Afrique de l’Est le 8 avril 2022, les autorités de Kinshasa ont espéré obtenir un accompagnent de l’organisation sous-région pour mettre fin à l’aventure des groupes armés. Ainsi, en juin dernier, à l’issue d’un sommet de cette organisation tenu à Nairobi, au Kenya, les chefs d’État de l’EAC ont décidé du déploiement d’une force militaire sous-régionale pour traquer les forces négatives. Déjà, le lundi 15 août dernier, une première vague de troupes burundaises est arrivée au pays par Uvira au Sud-Kivu. Puis, suivront éventuellement les Kényans, les Tanzaniens et les Sud-soudanais.
L’armée congolaise vidée de toute sa substance
Le président de la République est de fait commandant suprême des Forces armées. En cas de victoire ou d’échec, il en endosse directement la responsabilité. Lors d’un de ses derniers déplacements dans l’est, dans les villes de Bunia, Beni et Goma, Félix Tshisekedi avait vertement critiqué les forces de défense et de sécurité du pays qu’il avait accusées d’être impliquées dans la magouille et la mafia, avant de réitérer le même message à Abidjan, en Côte d’Ivoire, le 19 juin dernier face à la communauté congolaise vivant sur place. Aux yeux de la communauté nationale et internationale, il s’agit d’une erreur que le président de la République n’aurait pas pu commettre en tant que commandant en chef des forces loyalistes. Il est celui de qui les FARDC attendent les réformes et l’amélioration des conditions de vie.
Le 11 août dernier, au cours de son bref séjour au Tchad, il a émis le vœu de s’inspirer du soldat tchadien pour la formation du soldat congolais : « J’ai assisté à un défilé impressionnant. J’ai vu que l’armée tchadienne est une armée de métier, très bien organisée et équipée. Ça va me servir de modèle », a-t-il. On se fait l’impression que le dirigeant congolais remet en cause les capacités de sa propre armée déjà classée 11e en Afrique devant le Tchad en 13e position.
Aujourd’hui, Félix Tshisekedi a engagé le pays dans une mutualisation des forces avec les pays voisins pour traquer les groupes armés. Partant déjà de ses propres déclarations, on se demande s’il n’est pas en train d’exprimer l’incapacité des FARDC à ramener la paix au pays. Comme s’interroge le Kabiliste Kikaya Bin Karubi, « quelle confiance pense-t-il susciter dans le soldat burundais, rwandais et ougandais pour le sien« ? Et comment se sentent les officiers militaires congolais qui se voient ravis de leur devoir de défendre et protéger l’intégrité du territoire national contre l’envahisseur. Les décisions du commandant suprême des FARDC ne sont-elles pas de nature à vendre l’armée congolaise à un prix dérisoire à la face du monde et à les vider de toute leur substance, à les présenter comme une armée faible et attentiste destinée à être aidée? Est-ce de cela qu’il s’agit?Elle est pourtant aujourd’hui 11e au classement bien loin qu’une quarantaine d’autres États appelés à intervenir en RDC.