Par Charles Mapinduzi
Félix Tshisekedi continue de faire le ménage. Impitoyable et irrésistible, le président congolais semble résolument engagé à liquider un à un tous ses proches collaborateurs encombrants sur lesquels pèsent de persistantes suspicions de complot, de détournements ou de malversations. Il y a plus de 2 ans, Vital Kamerhe servait de ballon d’essai. Après avoir joué un rôle déterminant dans la victoire de Félix Tshisekedi, le président de l’UNC sera livré à la vendetta populaire, sali par un procès dont l’issue n’a jamais permis à la République de remettre la main sur des millions de dollars américains détournés lors du très médiatisé programme de 100 jours du quinquennat du régime.
Puis, viendra Jean-Marc Kabund. L’ancien président du parti au pouvoir était jusqu’au début de sa disgrâce avec le pouvoir, un boabab du régime. Il dictait la marche à suivre, quitte aux autres Congolais de s’y conformer, sinon gare. Fin 2018, Kabund était en-tête des partisans qui avaient exigé à Félix Tshisekedi de se retirer de l’accord de Genèse et de se présenter à la présidentielle contre l’avis de la coalition Lamuka. Dans une large mesure, Kabund a été l’un de principaux pions qui ont porté Tshisekedi au pouvoir. Mais, il y a quelques mois, suite à un faux pas, l’opposant est écroué à la prison centrale de Makala à Kinshasa.
Il y a également François Beya. Ancien de la DGM, réputé proche de Kabila, l’ancien chargé de la sécurité de Félix Tshisekedi est un sécurocrate hors pair. Au regard de son expérience de flic, le chef de l’État a vite jeté son dévolu sur lui pour sa protection. Tout comme Vital Kamerhe, de nombreuses sources affirment que François Beya est l’un des acteurs majeurs à avoir rapproché Félix Tshisekedi de Joseph Kabila lors du deal qui aurait permis au fils du sphinx de s’emparer du pouvoir au détriment de l’opposant Martin Fayulu. Cependant, sur fond de certains soupçons de complot contre le président, François Beya a été placé derrière les barreaux, humilié et dépouillé de tous ses pouvoirs. Et pour échapper aux griffes du régime, l’ex monsieur sécurité de Tshisekedi a réussi à quitter le pays, prétextant se rendre aux soins.
Ensuite, l’affaire Vidiye Tshimanga a fait surface. Jusqu’avant d’être remplacé, ce dernier était le conseiller stratégique du président. Un bras droit du chef pour ainsi dire. Toutefois, à la suite d’une vidéo qui a fuité sur les réseaux sociaux et dans laquelle il s’est affiché en pleine tentative de corruption et de trafic d’influence, ce proche de Félix Tshisekedi a d’abord été interpellé, retenu à Makala puis relâché sans aucune issue.
On ne saura également passer sous silence Philémon Yav, détenu à la prison centrale de Makala dans une affaire toujours non élucidée depuis plusieurs semaines maintenant. Dans les faits, ce général de l’armée congolaise n’est pas du cercle restreint de Félix Tshisekedi. Cependant, il était à la tête de la 3e zone de défense qui impliquait la majeure partie orientale du pays où s’entretiennent des atrocités rebelles. Compte tenu de la situation, la gestion sécuritaire d’une telle zone ne peut être confiée qu’à un fin stratège et un homme de confiance. Mais, ce proche de Joseph Kabila, accusé en personne par le président congolais d’être de mèche avec le Rwanda et le M23, le général Philémon Yav demeure sous le verrou alors qu’aucune preuve qui l’incrimine n’a jusqu’ici jamais été présentée.
Fortunat Biselele, enfin! Jusqu’il y a une semaine, Biselele chuchotait à l’oreille du chef. Il était l’un des intouchables du régime. Il savait placer les pions où il le fallait sans que personne ne l’en empêche. Des sources entrecoupées affirment d’ailleurs qu’il est à l’origine des ennuis qui ont évincé François Beya du cercle restreint du président. Après l’accession de Félix Tshisekedi au pouvoir, grâce à son carnet d’adresses et à ses rapprochements avec Paul Kagame et le régime ougandais, Fortunat Biselele jettera un pont entre Kinshasa, Kigali et Kampala. Aujourd’hui, l’ex-conseiller privé de Tshisekedi est aux arrêts et doit désormais s’expliquer au sujet des griefs qui pèsent sur lui.
Tous ces faits ainsi décrits démontrent qu’aucun des collaborateurs de Tshisekedi n’est à l’abri. Tous les poids lourds ont quasiment été remerciés, payés en monnaie de singe pour la plupart des cas. Sur ordre exprès du président, un de ses proches peut passer de la gloire à l’humiliation sans qu’aucune raison valable ne soit avancée. Au regard de l’évolution de la situation, on est en même de parier que le cas Fortunat Biselele ne sera peut-être pas le dernier. Ainsi, qui sera le prochain ? Toutefois, des observateur critiquent cette politique de Félix Tshisekedi qui consiste à de se débarrasser de ses collaborateurs qui détiennent tous les secrets du pouvoir et qui risquent de le noyer.