Par Charles Mapinduzi
William Ruto, vice-président sortant, est officiellement devenu le 5e président du Kenya à l’issue d’une élection présidentielle trop serrée. La victoire de M. Ruto a fait effet d’une bombe par le fait que celui-ci a perdu le soutien du président sortant qui a préféré accompagner un vieil opposant, Railla Odinga.
A 55 ans, l’ambitieux nouveau président qui s’est donné à fond lors de la campagne électorale est issu d’une famille modeste. Lui qui est parti de nulle part a pu se faire du chemin et de la réputation après une bataille de longue haleine dont il vient enfin de vivre le couronnement.
Quelle leçon pour la classe dirigeante en RDC
William Ruto est allé au front contre les forts du pays : Uhuru Kenyatta, président sortant qui disposait de gros moyens aussi bien personnels que ceux de l’Etat kenyan. Puis, Railla Odinga, ce vieil opposant également issu d’une famille des nantis. En première vue, l’échec de William Ruto était presque déjà acté d’avance. Il n’avait aucune chance. Mais, quand le peuple a décidé, rien ne peut lui faire ombrage. Contre toute attente, le nouveau président a déjoué tous les pronostics, il a terrassé les puissants de façon à se hisser au plus haut sommet de l’Etat.
A un an et demi de la prochaine présidentielle en RDC, la classe politique dirigeante devrait impérativement en tirer une leçon. Comme par le passé, les régimes se sont appuyés aux organes d’appui à la démocratie pour tripatouiller les scrutins en leur faveur. L’exemple le plus récent est celui des élections de décembre 2018 où des représentants du peuple ont été cooptés, plutôt qu’être élus et cela, au bon désir des décideurs du régime.
Mais, dans le même cirque où le pouvoir sortant détenait l’armée, la Police, la Commission électorale, la Cour constitutionnelle, la pression populaire a imposé son rythme. Mais, Emmanuel Ramazani Shadary, dauphin désigné, dont la campagne électorale a bénéficié d’un appui impressionnant des services de l’Etat, n’a pas été proclamé vainqueur de la présidentielle. A la place, Kabila a fait proclamé Félix Tshisekedi, un de ses pires opposants.
De ces jours, le nouveau régime de Kinshasa est soupçonné de concocter des plans et de baliser le terrain en vue d’un hold-up électoral en décembre 2023. Sans s’inspirer trop de l’expérience de décembre 2018, il fanatise la CENI et la Cour constitutionnelle où il place intelligemment ses pillons, espérant les manipuler le moment venu, si l’on s’en tient aux accusations des acteurs politiques de l’opposition et des forces vives. Mais aujourd’hui, l’exemple du Kenya en dit long. Contre vents et marées, le peuple, souvent imprévisible, peut imposer son rythme et bouleverser tous les calculs.
A ce stade, le meilleur plan à mettre en place est celui de la bonne gouvernance, plutôt que compter se maintenir au pouvoir grâce au tripatouillage des élections et contre la volonté de la plupart de ses compatriotes. De la présidentielle au Kenya, Kinshasa doit tirer une leçon et recadrer le tir, car, dit-on, vaut mieux tard que jamais.