Par la Rédaction
La République démocratique du Congo est de plain-pied en campagne électorale pour les élections générales de décembre 2023. Preuve en a encore été faite le mercredi 28 décembre 2022 avec la démission de trois ministres du gouvernement Sama Lukonde. Christian Mwando (Plan), Chérubin Okende (Transports) et la vice-ministre de la santé, Véronique Kilumba, ont annoncé vouloir rester « solidaires » avec le parti Ensemble pour la République dirigé par l’ancien gouverneur du Katanga Moïse Katumbi.
Ce divorce intervient quelques jours seulement après l’annonce par l’homme d’affaires Lushois de sa candidature à la prochaine présidentielle. Moïse Katumbi a officialisé ses intentions avec fracas en dénonçant une gestion « catastrophique » du pays. Dans son viseur, l’ex gouverneur du Katanga cible l’actuel chef de l’État et son ancien allié Félix Tshisekedi, dont il espère bien ravir le poste dans douze mois.
Cependant, ce ne sont pas tous les katumbistes qui se bousculent pour prendre un billet retour vers Lubumbashi. Contrairement à leurs camarades démissionnaires, Christophe Lutundula (Affaires étrangères), Mohindo Nzangi (Enseignement supérieur) et Modeste Mutinga (Affaires sociales), ont eux choisi de rester fidèles au pouvoir en place. La défection du chef de la diplomatie congolaise des rangs d’Ensemble pour la République était déjà connue de longs mois. Il serait complètement absurde de ne pas soutenir le gouvernement dont vous êtes en charge de grandes responsabilités avait-il prévenu alors interrogé sur une possible rupture avec l’Union sacrée.
Bemba, Kamerhe, Bahati… avec Tshisekedi ?
Le Chef de l’État s’adjuge donc la moitié des hommes de Moïse Katumbi présents dans son gouvernement et dans le même temps continue de bâtir des ponts avec d’autres poids lourds de la scène politique du pays. D’abord avec l’ancien vice-président de la République Jean-Pierre Bemba. Après la brouille relative à l’élection de 2018, le patron du MLC a changé de fusil d’épaule. C’est désormais pour « Fatshi » qu’il arpente le Grand-Équateur pour mobiliser en vue de 2023. Grand leader du Sud Kivu, le très rusé Modeste Bahati Lukwebo a réussi à se hisser à la tête du Sénat au lendemain de l’effondrement de la coalition FCC. À l’approche des élections, le président de l’AFDC-A entend bien faire valoir son influence dans le Kivu au profit du président sortant. Sur ce terrain, il ne sera pas seul car un concurrent de taille est en embuscade : Vital Kamerhe. Acquitté contre toute attente dans l’embêtante affaire de « 100 jours » qui le menaçait sérieusement de passer plusieurs années en prison, le chef de l’UNC est un atout indéniable pour maximiser ces très convoitées voix de l’Est du pays.
L’axe Matata-Fayulu-Mukwege
D’autant plus que dans cette partie du pays, un téméraire frappe à la porte avec insistance pour défier Félix Tshisekedi.
Malgré les ennuis judiciaires et les accusations de détournement qui le visent, l’ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo ne veut rien lâcher. Il a même lancé son propre parti, Leadership et Gouvernance pour le Développement (LGD), avec lequel il entend proposer aux Congolais un projet de développement basé sur une « gouvernance de qualité » et un « leadership transformationnel ». Mais avec la pression judiciaire sur les épaules, l’ancien occupant de la rue du Roi Baudouin serait bien tenté par un jeu d’alliances. C’est en tout cas l’impression qu’il a laissée dans l’opinion publique en s’affichant le 26 décembre 2022 dans une déclaration conjointe avec deux autres personnalités et pas de moindres : l’opposant et déjà candidat Martin Fayulu et le Prix Nobel de la paix Denis Mukwege que les partisans ne cessent de presser à briguer la présidence du pays. Dans cette lettre qui a fait beaucoup de bruit, les trois hommes n’épargnent pas Félix Tshisekedi, responsable selon eux, de l' »émiettement » et de la « balkanisation » du pays. Le ton ne pouvait être bien donné à un an du scrutin.
Dans tous les cas, à mesure que le processus électoral progressera, ces trois blocs – Tshisekedi/Katumbi/Fayulu – devraient eux aussi évoluer dans un sens comme dans un autre. Sans oublier le rôle toujours non négligeable que pourrait jouer l’ancien président Joseph Kabila. Resté discret depuis la fin de la lune de miel avec son successeur, en 2020, l’ancien chef de l’État reste l’une des figures les plus influentes de la scène politique congolaise. S’il ne peut plus se présenter pour un troisième mandat selon la constitution congolaise, ses partisans, aux premiers rangs desquels son épouse Olive Lembe Kabila, le verraient bien rechausser à nouveau les crampons de sauveur en décembre prochain. De quoi complexifier un peu plus une carte politique congolaise déjà bien achalandée.