Par Charles Mapinduzi
Jusqu’ici, Denis Kadima est très loin de faire l’unanimité au pays et même en dehors des frontières nationales. Les partis politiques de l’opposition, les confessions religieuses dont les très omniprésentes Églises catholique et du Christ au Congo (ECC), les forces vives et les mouvements citoyens, etc., sont persuadés que le président de la CENI est un choix savamment placé à son poste pour obéir aux seuls ordres de Félix Tshisekedi.
Bien que coopté par l’Eglise Kimbanguiste, dès le début, Denis a semblé bénéficier d’un soutien sans calcul de certains cadres du régime ainsi que des proches de Félix Tshisekedi, de sorte que des suspicions se sont vite multipliées : d’une part, des Congolais soupçonnent le remplaçant de Corneille Nanga d’avoir été désigné afin de torpiller le processus électoral pour obtenir impérativement la réélection du président congolais lors de la présidentielle de décembre 2023, quoi qu’il en coûte. D’autre part, ils le suspectent de tout mettre en oeuvre pour retarder le prochain vote au pays afin d’accorder au régime un glissement au sommet de l’Etat.
Fondées ou infondées, toutes ces accusations paraissent bien légitimes dans la mesure où certains caciques du régime semblent se reconnaître en Denis Kadima, celui-là qui est pourtant censé être apolitique, celui-là qui est censé être impartial et indépendant. Mais, va-t-il inscrire son nom dans les annales de l’histoire de la RDC ou se propose-t-il de sortir par la petite porte comme certains de ses prédécesseurs ? Le rendez-vous pris pour 2023 nous y répondra sans nul doute.
Toutefois, jusque-là, le comportement du président de la CENI est irréprochable. Au lieu d’inquiéter, Denis est en train d’assurer et de surprendre. Contre toute attente, peut-on se permettre de dire, ce samedi 26 novembre, il a porté à la connaissance du public un chronogramme électoral qui devra être suivi jusqu’à l’élection du nouveau président de la République. Puis, en dépit de quelques contraintes soulevées, Kadima promet que le glissement n’est pas dans le vocabulaire de l’institution qu’il dirige ces jours. A ce stade, à la place de s’abattre sur le président de la CENI, les dubitatifs observent et attendent jusqu’où iront les animateurs de la Commission électorale.
Cependant, la célérité avec laquelle Denis Kadima opère aujourd’hui joue contre le régime. Il n’y a aucun doute. Si d’un côté, le pouvoir de Kinshasa espérait obtenir des avantages de ce « Tshisekedi étiqueté », il risque de se raviser et de considérer plutôt le président de la CENI comme un problème, un vrai tourment. Le successeur de Corneille Nanga risque de bouleverser les calculs et de perturber les plans. Avec un calendrier maintenant connu, les chances de glisser s’amoindrissent à moins que Kinshasa retarde sciemment le financement des opérations ou que les législateurs prennent beaucoup de temps pour lever les contraintes légales.
D’autre part, le président de la CENI peut toujours surprendre. L’exemple de la Gambie lors de la présidentielle qui a opposé Yaya Jameh et Adama Barro en 2016 est très éloquent. Le président de la commission électorale de ce pays là avait proclamé la victoire de la coalition d’opposition à la surprise générale, en défaveur du président sortant. Avec le rythme accéléré entamé, il est bien probable que Denis Kadima refuse de céder aux pressions des politiques en rendant au peuple les vrais résultats des urnes tant réclamées lors des scrutins passés.
Dans ce cas de figure, si le régime de Kinshasa se reproche au sujet de son bilan, redoutant de ne pouvoir pas l’emporter lors de la prochaine présidentielle et qu’il craint de perdre le contrôle sur le président de la CENI, alors ce dernier passerait pour une épine sous le pied, un homme qu’il faudra « abattre ». Kinshasa pourrait se sentir trahi par Denis Kadima à qui il a pourtant exprimé le soutien lors de son élection.
Rappelons-le, la CENI a publié son calendrier ce samedi 26 novembre. Ce dernier fixe les scrutins directs du président de la République, des députés nationaux et provinciaux ainsi que des conseillers communaux au 20 décembre 2023 alors que la prestation de serment du nouveau chef de l’Etat est prévue au 20 janvier 2024, soit 4 jours avant la fin exacte du mandat de Félix Tshisekedi.