Par Gédéon ATIBU
«L’heure est grave. Notre pays est en danger !» (cfr Néhémie 2, 17). C’est donc pour conjurer ce danger que les évêques congolais ont levé l’option d’organiser une marche pacifique le dimanche 4 décembre 2022 prochain.
Pour être sincère, le problème de l’intégrité territoriale du Congo est trop complexe pour qu’il soit résolu par une simple marche pacifique d’un jour. Ce qui est annoncé pour le 4 décembre semble donc une goutte d’eau dans la mer mais justement la mer n’est rien si elle ne commence pas par accepter d’être faite d’un ensemble de gouttes d’eau. Mieux vaut commencer par ces petites actions de conscientisation du peuple pour espérer fédérer dans la suite le reste de l’opinion congolaise et internationale.
La bonne intention de libération du Congo est bien là mais, à elle seule, elle ne suffit peut-être pas. On va sonner des cloches dans nos paroisses, on va marcher en scandant des slogans pour finir par la lecture des mémorandums avec un haut-parleur devant les sièges des institutions pour dénoncer le projet de balkanisation de notre pays et l’hypocrisie de la communauté internationale.
Pour la simple raison que la RDC post-Mobutu est confrontée à un complot international qui ne fait pas dans la dentelle. Nous n’avons cessé de sonner l’alarme sur la cruelle vérité que nos ennemis ont déjà encerclé la capitale Kinshasa (le siège de institutions/ du pouvoir) et ont déjà miné quasi les frontières avec les neuf pays frontaliers en vue d’un plan bien précis qu’ils sont en train de mettre méthodiquement en application, essai après essai, étape par étape. Et ce, avec la complicité directe hélas! de nombreux responsables congolais à différents échelons du pouvoir.
Dans ces conditions, les organisateurs de cette marche, s’ils veulent qu’elle ait un impact direct sur le cours de l’histoire du pays, ils doivent commencer par s’asseoir pour réfléchir et comprendre le visage du véritable ennemi du Congo qui a des connexions internes très puissantes. Les multinationales et les puissances impérialistes souvent pointées du doigt ne peuvent rien faire sans la complicité de ces ennemis intérieurs. Et donc pour gagner cette bataille, il faut commencer par lever l’option de neutraliser coûte que coûte ces ennemis intérieurs. Crier contre la Monusco et vociférer contre les chancelleries étrangères sans cibler leurs complicités intérieures équivalent à couper un arbre sans en déraciner les souches profondes. Il resurgira hélas de la terre.
Qui sont ces ennemis intérieurs?
Tous ceux des congolaises et des congolais qui refusent de marcher selon l’ordre constitutionnel et qui refusent d’œuvrer pour la promotion de l’intérêt supérieur du pays. Ils ont choisi à collaborer avec les fossoyeurs du Congo pour leurs intérêts mesquins et égoïstes. Ils sont à tous les échelons du pouvoir en RDC parce que placés là-bas par un système cannibale instauré depuis 1996 et dont le principal objectif est l’anéantissement des congolais.
Déterminer avant tout l’objectif précis que veut atteindre ladite marche, cerner méticuleusement le visage de l’adversaire contre lequel on s’en prend et mettre en place une méthodologie adéquate pour le subjuguer et le vaincre.
En février 1992, l’église catholique avait réussi à plier le Maréchal Mobutu et à forcer le gouvernement Nguz Karl i Bond à rouvrir les portes de la Conférence Nationale Souveraine et tout récemment en janvier 2018 elle a réitéré l’exploit de contraindre Joseph Kabila à mettre fin à son glissement électoral grâce à la définition précise des objectifs poursuivis, à la bonne connaissance des intentions de l’adversaire mais aussi aux stratégies efficaces mises en place pour le pousser à bout, à reculer et à revenir à l’ordre constitutionnel jusqu’à permettre le scrutin du décembre 2018.
Ce qui ne semble pas le cas pour la marche du 4 décembre 2022 car la connaissance de l’ennemi est floue et partielle. Et ce dernier facteur fait biaiser le reste du combat.
Quand ses organisateurs invoquent la défense de l’intégrité du territoire et la dénonciation du projet de balkanisation en identifiant la communauté internationale, on a là en face un adversaire sans visage. On va marcher tout en ignorant complètement l’oppresseur contre lequel les gens sont poussés à se soulever en marchant dans la rue. Pourtant de nombreux travaux rigoureux dans le passé ont démontré que cet ennemi, contrairement à celui de 1992, n’est plus un simple individu/ ou régime mais il est devenu depuis 1997, avec l’arrivée de l’AFDL, tout un système international buveur du sang des congolais. Un système coriace. En somme , une hydre à plusieurs têtes
Au cas où tous les diocèses congolais respectent le mot d’ordre du Message de la CENCO du 9 novembre 2022 ( ce qui n’est pas évident), la marche pacifique qui est annoncée le dimanche prochain à Kinshasa durant quelques heures et d’une manière sporadique ne pourra démystifier un tel ennemi coriace que si ses organisateurs mettent en place une stratégie adaptée, ordonnée et coordonnée qui agira avant, pendant et après la marche. C’est à ce prix que cette marche pourra changer le rapport des forces.
La priorité consisterait donc à identifier le véritable visage de cet ennemi système, ses tentacules extérieurs tout comme ses complicités intérieures sans lesquelles il serait paralysé. Identifier également ses points faibles, son talon d’Achille par lequel la ténacité des journées de marche étendue sur ks durée pourra viser le cœur du système pour l’affaiblir.
Ce n’est qu’en connaissance de ces causes profondes de la crise congolaise que l’on peut envisager des actions adaptées à la nature de la dangerosité de l’adversaire. Des actions à programmer alors sur une longue durée pour pouvoir créer des fissures dans le système ennemi, pour déstabiliser ce dernier et pour au final renverser les rapports de force. Vous l’avez compris : il faut un nouveau paradigme de combat avec plus de vision à long terme.
Voilà exactement le paquet des questions fondamentales appelant des réponses intelligentes capables d’amener à des solutions structurelles et durables. À condition bien sûr que de telles réflexions s’accompagnent d’une feuille de route, des actions réfléchies, coordonnées, appuyées sur la conscientisation de la base populaire pour sa mobilisation autour d’un idéal commun de sauvegarde de mère la patrie et ce, quel qu’en soit le prix à payer.
Ce combat de vérité, de justice et de paix est celui que les chrétiens de la première communauté ont mené contre la Bête qui tenait à faire adorer son image et imprimer sa marque sur les fronts des oints de Dieu.
Ce combat spirituel et prophétique fait partie intégrante de notre être chrétien, du témoignage que nous sommes appelés à donner même au prix des incompréhensions, des insultes, des menaces de mort, des persécutions voire même de martyre pour que les générations futures de nos enfants et petits-enfants retrouvent le sourire, la dignité et la fierté d’être nés congolais.
Vivement que la marche du 4 décembre prenne en compte tous ces paramètres importantissimes en vue de faire bouger les lignes de l’enlisement politique et sécuritaire de notre pays.
Vivement que la base chrétienne et les hommes de bonne volonté soient bien conscientisés autant pour prendre leur destin en main que pour exercer leur volonté souveraine contre la trahison de complices congolais et contre l’hypocrisie des partenaires internationaux ! Vivement la matérialisation de l’idéal d’un Congo libre, pacifique et prospère !