Par Michel BUTANGAZI
C’était une véritable claque assénée au président Tshisekedi, laquelle doit réveiller la démocratie et la lutte contre la corruption en République Démocratique du Congo !
La journée de ce mardi 15 juin 2021 était historique en République Démocratique du Congo. D’abord, avec le prononcé du jugement de la Cour d’Appel de Gombe qui a condamné Vital Kamerhe (ndl ancien directeur de cabinet de Félix Tshisekedi) à 13 ans de travaux forcés, réduisant ainsi de 7 ans le jugement rendu au premier degré par le Tribunal de Grande Instance. Ensuite, cet examen à huis clos de la levée d’immunité parlementaires de l’honorable sénateur Matata Ponyo, ancien premier Ministre sous le régime de Joseph Kabila, accusé de détournements selon le rapport de l’Inspection Générale des Finances dans le projet du parc-agro industriel de Bukanga-Lonzo. Présenté comme l’auteur intellectuel de la débâcle de Bukanga-Longo, le Procureur général près la Cour constitutionnelle avait sollicité dans son réquisitoire adressé à la chambre haute du parlement, la levée d’immunité parlementaire de celui qui est aujourd’hui considéré comme un prétendant à la présidentielle de 2023.
Cette demande de levée d’immunité parlementaire avait pour objectif, permettre à la justice de poursuivre, au besoin arrêter cet ancien premier Ministre pour des actes de détournements commis par lui. On note dans le rapport de l’IGF que : « Matata Ponyo est l’auteur intellectuel du Parc Agro-industriel de Bukanga-Lonzo, à travers la conception, la planification et les engagements pour paiement de plus de 83% de fonds décaissés directement aux comptes du partenaire Sud- Africain et ses filiales, logés en République Sud-Africaine ; et de la société MIC Industries qui n’a pas été reconnue comme le gestionnaire AFRICOM parmi les fournisseurs. Dans ce même chef d’accusation, le rapport de l’lGF révèle que les fonds évalués à plus de 7 millions de dollars ont été détournés par Matata Ponyo pour l’achat de l’ultimate Building Machine pour le compte de Bukanga Lonzo alors que le paiement n’a pas été reconnu par AFRICOM qui était le partenaire de l’État congolais. Il y a-t-il anguille sous roche dans ce rapport de l’IGF.
Une main noire de Tshisekedi !
Tshisekedi forcet-il la main des juges ? Etrange intervention du président Félix Tshisekedi dans le dossier Matata ! Pendant que le réquisitoire du procureur général près la Cour Constitutionnelle était sous examen à la Chambre Haute du parlement à travers une commission spéciale qui a été installée par le président du Sénat, Modeste Bahati, pour entendre l’ancien premier ministre avant que la plénière puisse se prononcer sur la levée ou non de ses immunités; le président Tshisekedi a convoqué les sénateurs et leur avait même demandé de ne pas faire obstruction à la justice en facilitant la levée d’immunité parlementaire de Matata Ponyo. Ce n’est pas la première fois que le président Tshisekedi s’immisce dans les affaires parlementaires. Un vent mauvais souffle sur la démocratie. Certaines indiscrétions feraient d’ailleurs état de corruption à ciel ouvert des sénateurs juste pour obtenir l’autorisation des poursuites judiciaires contre l’ancien premier ministre Matata Ponyo. Le président Tshisekedi devient-il l’artisan de la corruption ?
Matata plus que fort Tshisekedi !
Il le voyait venir et Matata a compris que le président Félix Tshisekedi était le tireur des ficelles dans ce tollé sur le Parc- Agro-industriel de Bukanga-Longo. Et ce, dans l’unique objectif de l’écarter de la présidentielle de 2023. Quelle force de frappe ! La nouvelle de ce mardi 15 juin sur le refus des honorables sénateurs d’autoriser la poursuite judiciaire contre Matata Ponyo aura été une pilule difficile à avaler pour le Président Tshisekedi qui séjourne depuis le week-end dernier dans la partie Est de la République. Si plusieurs fois dans ses dessous des cartes, le président Tshisekedi a toujours eu le dessus sur les députés nationaux ; ça n’a pas été le cas ce mardi 15 juin 2021, avec un geste, une gifle sénatoriale assénée au chef de l’État durant la plénière du Sénat où, au bout d’un vote à suspense, 49 sénateurs ont voté contre la levée d’immunité de leur collègue Matata Ponyo même si 46 d’entre eux ont souhaité sans succès, le livrer à la justice. Une gifle de l’homme des équilibres macroéconomiques à un Tshisekedi trahi par sa majorité de l’Union Sacrée de la Nation. Tshisekedi peut-il croire encore en cette majorité effritée ?
Le Sénat a repris sa place de chambre des sages
En refusant d’accorder son feu vert à la levée d’immunité parlementaire de l’ancien premier Ministre, Matata Ponyo, le Sénat a sauvé de justesse la Démocratie qui garantit en l’occurrence le principe de la séparation des pouvoirs entre les Institutions Président de la République et le Parlement, « La séparation des pouvoirs appelle à un principe sacro-saint de gouvernance moderne », disait le penseur Charles Montesquieu. Plus d’un analyste politique a salué la bravoure des sénateurs qui n’ont pas cédé à des calculs politiques pour sacrifier l’élan démocratique qu’a pris la RD Congo. Sur son compte twitter, Laurent Onyemba, analyste politique: « Plébiscitée chambre de sagesse en ¹1refusant de lever les immunités, le Sénat donne la leçon de maturité à la classe politique congolaise. Ce n’est pas Matata Ponyo qui gagne mais c’est la Démocratie congolaise ! écrit-t- il. « En tant que partisan de la bonne gouvernance, j’accepte cette décision qui rend hommage à la vérité des faits et à notre démocratie », une réaction à chaud de Matata Ponyo après la décision du sénat à garder ses immunités. Jusqu’où ira ce peloton judiciaire ? Le suspense est bien plus grand, mais il rechigne à faire dire dès maintenant qu’après l’assassinat politique de Vital Kamerhe condamné à 13 ans des travaux forcés, la course à la présidentielle de 2023 sera plein d’embuches pour Matata Ponyo qui devient la prochaine cible du régime. « Il y a un temps pour tout, selon « I’Ecclésiaste », et le temps pour Matata Ponyo de se déclarer officiellement candidat aux prochaines élections présidentielles n’est pas encore venu ». Pour Félix Tshisekedi, cette gifle lui infligée ne va pas précipiter sa décision. Au contraire, il risque même de fouiner d’autres dossiers qui trainent dans les placards pour éliminer ce challenger soutenu par les institutions de Breton Woods. Et de laisser sans réponse cette question que nombreux observateurs de la politique congolaise se posent déjà : « En matière de la démocratie et de l’Etat de droit, Félix Tshisekedi serait-il un fils modèle à son père (Dr. Etienne Tshisekedi) ou un rebelle ?
