Par Charles Mapinduzi, à Goma
Au lendemain du procès dit de 100 jours et de la formation du gouvernement Sama d’où il n’est pas apparu, il s’est retiré dans son ghetto, loin de tous les radars médiatiques et politiques. Tonitruant de par sa nature, Justin Bitakwira est cependant resté depuis tous ces mois à l’écart de tous les bruits. Mais, il a fallu le dialogue de Nairobi pour que le fils de sa grand-mère, comme il aime intimement se désigner, refasse surface.
Alors que Kinshasa tente de trouver diplomatiquement des solutions aux conflits armés qui déchirent l’Est du pays en impliquant les animateurs des groupes armés sur une table à Nairobi, au Kenya, l’ancien ministre du Développement rural ne voit pas de bon oeil l’initiative. Il se culpabilise de rester silencieux face à une démarche qui risque d’hypothéquer l’avenir de toute la République.
« Je suis très attentivement ce qui se passe comme guerre, atrocités, tueries, viols, vols, assassinats massifs dans l’Ituri, le Nord-Kivu et le sud du Sud-Kivu. Je pense que mon silence est coupable et même hypocrite, si pas complice », lance-t-il, en réapparaissant à travers un audio devenu viral sur la toile.
Même s’il n’est pas totalement opposé à l’idée, Justin Bitakwira dénonce des magouilles externes tendant à placer au devant de la scène des milices à la solde des pays voisins qui sont cités dans la déstabilisation du Congo. Sans passer par le dos de la cuillère, ce notable du Sud-Kivu nomme le Rwanda et ses complices au sein des institutions à Kinshasa.
A l’entendre, l’ancien ministre tente de prouver que Kinshasa a été piégé par les assisses de Nairobi. Lui qui insiste principalement sur la situation de sa province révèle que les groupes armés qui ont pris part à ces consultations sont un choix exprès de Kigali. Justin Bitakwira ne se prive pas de défendre les milices locales qui ont pris les armes pour défendre la patrie mais qui ont été oubliées au dialogue en faveur des rebellions pro-rwandaises.
« En considérant tous les différents groupes armés que je vois sur la liste, je crains qu’à Kinshasa d’où vient le projet de cette rencontre de Nairobi, il y ait un quartier général inconnu mais complice de nos agresseurs. S’agissant du sud du Sud-Kivu, je crains qu’au lieu que les différents groupes armés soient identifiés par Kinshasa, ils sont plutôt identifiés par Kigali. J’insiste et j’assume qu’il y a des groupes anti-patrie, c’est-à-dire ces groupes qui veulent décapiter la RDC. C’est eux qui sont sélectionnés au détriment des groupes qui défendent la République. Mon constat amer et regrettable est que les groupes armés qui défendent la République sont isolés, oubliés et même radiés dans ces consultations », réagit-il.
Justin Bitakwira se questionne comment des groupes qui n’ont pas de visions communes sur la question sécuritaire de l’Est peuvent être associés pour de mêmes pourparlers. Il suggère même qu’en cas de dialogue avec les rebellions, les négociations soient dissociées, les unes impliquant d’abord ceux qui combattent la République et les autres, pour qui combattent pour la République. A ce sujet, il promet même d’en être le porte-étendard.
« Est-ce que Kinshasa maîtrise réellement les conflits de l’Est? Il y aurait 2 sessions de rencontres : tous les groupes armés sélectionnés qui menacent la République et ceux qui défendent la République. Je porterai la voix au plus haut sommet de l’Etat. On a l’impression que c’est la voix des agresseurs qui est plus entendue et plus crainte », redoute-t-il.
Il est à rappeler que le dimanche 24 avril dernier, sur demande des pays de la Communauté d’Afrique de l’Est, le gouvernement congolais a initié des pourparlers avec les groupes armés opérant sur son territoire. Kinshasa a espéré persuader quelques-uns d’entre eux à adhérer au processus de paix. Mais, de nos jours, alors que Félix Tshisekedi et Uhuru Kenyatta ont clôturé la première phase le mercredi 27 avril 2022, rien de concret ne semble sortir au sujet de la volonté manifeste du désarmement des miliciens qui ont pris part aux assises.