Par Charles Mapinduzi
Tout le monde a à l’idée que la République démocratique du Congo ne devrait pas se retrouver sur une même table avec le M23/RDF, groupe armé fabriqué par Kigali pour déstabiliser l’est. Il s’agit bel et bien d’une attitude légitime, d’abord au regard du fait que la rébellion n’est pas congolaise, ensuite pour le fait des atrocités qu’elle entretient contre des civils à Rutshuru, Nyirangongo et Masisi depuis près d’un an maintenant. Aucun groupe qui s’est illustré par ce genre d’agissements ne mérite ni égards, ni respect, encore moins attention du monde. Il est simplement terroriste comme le gouvernement de la République l’a ainsi qualifié.
Mais, terroristes ou pas, Congolais ou Rwandais, Kinshasa a-t-il vraiment le choix? Aussi inimaginable que cela puisse paraître, les autorités congolaises doivent passer au plan B pour permettre aux populations du Nord-Kivu de « revivre » : il est temps de négocier avec le M23 pour 6 raisons principales.
D’une part, plusieurs sources bien introduites attestent que le régime de Kinshasa avait fait des compromissions qui le mettent en mauvaise position aujourd’hui : la reprise des armes par le M23 et ses supplétifs serait notamment liée au fait que Félix Tshisekedi n’a pas respecté les compromis faits entre les 2 parties. Mais, quels compromis? Sexe des anges! Toutefois, mettre fin à la guerre serait entre les mains du président si l’on s’en tient à ces confidences.
D’autre part, et ceci est la raison qui tient le plus la route, les territoires de Rutshuru, Nyirangongo et Masisi sont assiégés. Depuis la tombée de la cité de Bunagana en juin 2022, l’armée congolaise n’est jamais parvenue à renverser la tendance. Grâce au soutien de Kigali et de celui des multinationales qui agissent dans l’ombre, la rébellion a plutôt réussi à avancer en s’emparant d’importantes autres localités.
Le M23 a réussi à asphyxier la ville de Goma en coupant la route Kiwanja et le tronçon Kitchanga, de sorte que la vie est devenue extrêmement chère dans la ville volcanique. Aujourd’hui, les combats sont signalés à Kalake et Tuonane à quelques kilomètres seulement de Goma et vers l’Ouest, selon des sources. La rébellion avance donc vers Saké et ainsi vers le chef-lieu du Nord-Kivu où des détonations venant du champ de bataille se font déjà entendre dans certains quartiers, rapportent des citoyens sur place.
A l’allure où vont les choses, à moins que le Bon Dieu fasse irruption, la partie congolaise est mal barrée. On est en droit de craindre que le M23 réussisse à occuper de plus en plus des entités dont la ville de Goma et ainsi monter les enchères. C’est à ce stade que pour prévenir que la rébellion ne soit confortablement installée de façon à exiger tout et n’importe quoi, Kinshasa doit négocier avant le temps pour éviter de donner plus de manœuvre aux assaillants.
Des analystes soutiennent que si le gouvernement congolais avait accepté des pourparlers quand le groupe armé était encore à Bunagana, les négociations auraient pris une facette différente. Cependant, en laissant pourrir la situation et en permettant au M23 d’aller plus loin, la RDC risquerait de se retrouver totalement vulnérable au point de faire de monstrueuses concessions. Négocier dès aujourd’hui serait donc prendre des précautions.
La 3e autre raison pour laquelle Kinshasa doit négocier, c’est effectivement le fait que l’armée congolaise est pleine de taupes. Plusieurs arrestations ont été enregistrées dans les rangs des FARDC, certains complotant directement avec l’ennemi. Par ricochet, tous les plans mis en place par les services de sécurité sont vendus à vil prix, rendant ainsi complexes les opérations militaires en cours. Pourtant, avec ce format, la République démocratique du Congo risque d’avoir toutes les difficultés du monde à gagner la guerre.
4e raison : Kinshasa devrait également accepter des pourparlers pour autant que la quasi totalité des voies de recours semble déjà épuisée. Félix Tshisekedi a beaucoup compté sur la force sous-régionale pour mettre fin à l’aventure. C’était certainement l’une de ses dernières cartouches. Malheureusement, plus de 2 mois après son déploiement, c’est la déception. Le président congolais l’a même exprimé lors du récent sommet de Bujumbura où il s’est sèchement adressé au commandant de ces troupes. On a l’impression qu’au lieu d’être offensive, la force de l’EAC est spectatrice, observatrice. Pire, elle s’est rapprochée de l’ennemi qu’elle est sensée venir combattre.
De l’autre côté, et c’est là 5e raison, les pays membres de cette organisation sous-régionale jouent à l’hypocrisie. Aucun d’entre eux n’a osé piper un seul mot contre l’attitude du Rwanda que Kinshasa accuse d’être l’auteur intellectuel de l’agression. Bien sûr pas seulement eux, mais aussi l’ensemble de la communauté internationale qui ne veut pas s’intéresser à la question congolaise comme elle le fait pour la situation de l’Ukraine. La RDC et ses dirigeants semblent bien abandonnés. Sur terrain, des membres de l’EAC et les multinationales qui en veulent à la RDC et à ses richesses pourraient bien favoriser le complot de balkanisation tout en donnant l’impression de vouloir aider le régime congolais. Ainsi, dans ce cas de figure, les négociations peuvent bien taire les armes.
La 6e raison est l’imprévisibilité du peuple congolais dans les contrées conquises. Déjà, les manifestations en cours en ville de Goma annoncent des couleurs. Avec la cherté de la vie que la guerre du M23 a provoquée, des Congolais pourraient finalement se soulever : d’une part contre le Rwanda et la communauté internationale dont l’EAC mais aussi contre les autorités congolaises et l’armée qui ont la charge de leur apporter la paix. Pour le dernier cas, Kinshasa risquera alors de se faire 2 ennemis : les groupes armés et la pression populaire. Mais, pour taire la furie populaire, il faut réimposer la paix dans la zone.
Pour tout dire, négocier n’a jamais été une faiblesse. Toutes les guerres finissent toujours sur une table, dit-on souvent. L’exemple de la Russie est d’ailleurs très parlant. En dépit de la superpuissance militaire qui est celle de ce plus vaste pays du monde, Moscou qui est en guerre contre Kiev n’a jamais écarté la possible de parler pour taire les armes.
Le gouvernement congolais devrait donc accepter de dialoguer avec le M23, tout en gardant, bien sûr, d’autres flèches dans son carquois. En 2013, Kabila l’avait réussi contre la même rébellion. Tout en étant sur la table des négociations à Kampala, le régime congolais de l’époque tenait à gagner du temps en préparant un coup fatal contre les assaillants. Les résultats étaient tels que le M23 avait sérieusement été battu et défait. Face aux mêmes faits, le passé doit donc éclairer le présent afin que ce dernier prépare l’avenir.