Par lephare- IWEBRDC
La levée des immunités du sénateur Augustin Matata Ponyo, livré par le Bureau du Sénat au Parquet général près la Cour Constitutionnelle, serait-elle annonciatrice d’un tsunami susceptible de précipiter d’autres sénateurs dans le gouffre de la justice ? Nombre d’observateurs y croient, notamment au regard des dossiers judiciaires pendants depuis des mois voire des années, suite à leur blocage du fait de l’impossibilité pour des cours et tribunaux d’enclencher des poursuites judiciaires contre leurs auteurs.
Le mythe des sénateurs « intouchables » ayant été cassé le lundi 05 juillet 2021, par le Bureau de cette institution, sous la houlette de Modeste Bahati Lukwebo, accusé de tous les péchés du monde après le vote de la plénière ayant rejeté le réquisitoire du Procureur général de la Cour de Cassation dans l’affaire de Bukanga-Lonzo, une véritable boîte de Pandore risque de s’ouvrir au Palais du peuple.
On pourrait y retrouver pêle-mêle, d’abord les affaires de la gestion ténébreuse de Matata Ponyo, sous sa double casquette d’ancien Premier ministre et d’ancien ministre des Finances. Ici, toutes les pensées vont vers les dossiers des achats des locomotives pour la SNCC (Société Nationale des Chemins de fer du Congo), des bateaux de la SCTP (Société Commerciale des Transports et des Ports), des avions de Congo Airways, mais aussi de la bancarisation, des cartes visa, de l’immeuble Intelligent, de l’Aérogare de l’aéroport International de N’Djili, des passerelles du boulevard Lumumba, etc.
La mémoire collective se souvient ensuite des « invitations » lancées à Alexis Thambwe Mwamba, par l’IGF (Inspection Générale des Finances) ainsi que le Parquet général près la Cour de Cassation, dans des dossiers liés à sa gestion opaque des fonds du Sénat. Les affaires qui avaient fait le plus grand bruit étaient celles relatives aux travaux de réfection des locaux de cette institution, avec en prime un clash en plénière avec la sénatrice Ngoya, suivi d’une plainte en justice vite étouffée par une réconciliation de façade, ainsi que de la consignation des fonds publics dans le coffre-fort de sa résidence, après leur retrait dans une banque de la place.
Il y a aussi le dossier des découverts bancaires laissés par le sénateur André Kimbuta à l’Hôtel de Ville, où il avait presté comme gouverneur de province de 2007 à 2018. L’ardoise laissée à son successeur, Gentiny Ngobila, s’élève à plusieurs millions de dollars américains. Plus d’une fois, l’hypothèse des poursuites judiciaires contre celui que l’on se plaisait à appeler le « Haut Sommet » a éyté évoquée au niveau de l’Assemblée provinciale de Kinshasa. Et à chaque fois, l’obstacle des « immunités » faisait reculer plus d’un député provincial.
On pense aussi, dans le même ordre d’idée, au dossier de Transco (Transport au Congo), porté devant la justice par le sénateur José Makila en personne, en sa qualité d’ancien ministre des Transports, contre l’Ong OGDP (Observatoire pour la Gestion de la Dette Publique), accusé de diffamation et imputations dommageables, pour avoir communiqué aux médias un tableau des détournements présumés de cet ancien membre du gouvernement au préjudice de la firme précitée.
Convoqués et entendus au Parquet général près la Cour d’Appel de Kinshasa/Matete, des responsables de l’OGDP avaient, non seulement confirmé leurs accusations mais, ensuite, déposés des « preuves » additionnelles devant cette juridiction.
Depuis des mois, le dossier qui devait être fixé devant une juridiction compétente ne l’est toujours pas. Serait-il classé sans suite ? Si l’élément de blocage se trouve être le statut de José Makila, sénateur de son état, il est plus que jamais temps, pour le Parquet général de Matete, d’exhumer le dossier.
Il faut également prendre en compte Willy Bakonga, ancien ministre de l’EPST (Enseignement Primaire, Secondaire et Technique), qui avait tenté de se réfugier derrière sa carapace de sénateur pour échapper aux poursuites judiciaires, dans les dossiers de blanchiment d’argent et de détournement des fonds destinés au paiement des écoles et unités fictives. Cet échantillon de sénateurs désormais justiciables devant les cours et tribunaux, pour peu que leurs immunités leur soient retirées, n’est pas limitatif.